Kui, Xing, l'Etoile de la littérature

Bois peint
146 × 57,5 × 44 cm
Don de Léon de Beylié en 1890
MG 2010-0-14
À la fin de l’année 1890, Léon de Beylié destine au musée de
Grenoble un ensemble de cinq caisses contenant principalement
des statues de dieux locaux [1]. Parmi ces pièces,
nous trouvons cette représentation du dieu chinois Kui
Xing, divinité présidant aux examens et aide de Wen
Chang, dieu de la Littérature.
Beylié la décrit en ces termes « Dieu de la littérature, tient
un pinceau à la main droite et a au-dessus de la tête la
constellation de la Grande Ourse. Dans la main gauche,
pièces d’or ». En bois polychrome, l’oeuvre nous montre le
dieu tel qu’il est d’usage de le représenter. Personnage de
carnation bleue, aux cheveux rouges et aux yeux qui ressortent,
Kui Xing se tient debout, la jambe gauche reposant sur
la tête d’un animal marin sortant des flots, la jambe droite
repliée, en position d’équilibre. L’habillement se constitue
d’un pantalon ainsi que d’un habit de plumes composé
d’un tablier et d’un genre de capeline. Une écharpe céleste
virevolte autour de la divinité.
Par la description et le dessin faits par le général de
Beylié, nous savons que l’aspect actuel de l’oeuvre n’est pas
celui d’origine. Les attributs tels le pinceau, les pièces d’or
ainsi que la représentation de la Grande Ourse ont aujourd’hui
disparu. Ces différents éléments constituent des références
directes au mythe ainsi qu’au nom de Kui Xing.
La légende relate que ce lettré à l’aspect difforme
aurait été reçu premier aux examens mandarinaux. À la
vue de ce visage repoussant, l’empereur refusa d’offrir au
lauréat sa récompense. De dépit, Kui Xing se jeta à l’eau. Au
moment de mourir asphyxié, un poisson [2], ao, l’enleva sur
son dos et le remonta à la surface. Kui Xing monta au ciel
et devint le dieu des Examens. Le pinceau qu’il tenait dans la
main droite lui permet de marquer les écrits remarquables
tandis que la main gauche présente traditionnellement
un boisseau. Si nous nous référons au courrier de Beylié, il
est fait mention de pièces d’or et non d’un boisseau.
Pourquoi trouvons-nous ici des pièces d’or et non un boisseau,
la question reste encore ouverte. Si le pinceau et la tête
du poisson émergeant de l’eau se réfèrent directement au
récit, comment expliquer la présence d’étoiles ?
La réponse se trouve dans l’appellation même du dieu.
Kui Xing, l’Étoile de la littérature, était auparavant identifié à
la première constellation des Sept Maisons de l’Ouest, soit
celles de la Vierge et des Poissons réunies. Il faut ajouter que
le nom s’écrivait avec un caractère différent mais de prononciation
similaire. Sans que l’on puisse préciser quand, durant
le Xe siècle, elle devint soit la première ou les quatre premières
étoiles du Boisseau du Nord, c’est-à-dire la Grande Ourse.
Cette représentation de Kui Xing appartient à une série
de pièces qui sont des copies d’œuvres vues par Beylié lors
de son séjour en Indochine. Il l’exprime de manière explicite
dans sa lettre du 3 octobre 1890. Il s’agit de « dieux locaux
copiés sur les meilleurs modèles par les meilleurs artistes du
pays ». Malheureusement, le général ne fournit pas de
détails plus précis sur le temple où se trouvait le « modèle »
de notre œuvre. Cette question est d’autant plus importante
qu’une telle divinité est fort rare aujourd’hui dans les
temples chinois au Vietnam.
[1] Lettre de Beylié à sa mère du 3 octobre 1890.
[2] Les différentes versions du récit diffèrent sur ce point, l’animal, ao, ne serait pas un poisson mais une tortue.
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