Concert

Anthony CARO
1994 - 1996
94 x 138,5 x 90 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Lelong en 1996 par le Fonds national d'art contemporain.
Transfert de propriété au Musée de Grenoble en 2008.

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Exposition En Roue libre, 1er avril-3 juillet 2022

Salle 13

Musique concrète

Le XXe siècle s’est signalé par son refus des catégories, a aboli les genres, multiplié les matériaux. Un art ne se suffit jamais à lui-même. En témoigne l’abondance des pratiques mettant en relation les arts plastiques et la musique, le visuel et le sonore. Au début du XXe siècle, nombreux sont les peintres qui ont montré leur prédilection pour un compositeur ou bien un modèle structurel comme la fugue (Kandinsky, Kupka, Klee, Albers, Reigl, etc.).

Dans les compositions cubistes de Braque et Picasso, le thème de la musique est prétexte à créer des ruptures formelles et des dissonances chromatiques. Les futuristes ont rêvé eux aussi d’un art polymorphe, susceptible de se développer dans le temps et dans l’espace. Braque reste toutefois le plus fasciné par la forme tactile des instruments. «J’ai peint à cette époque beaucoup d’instruments de musique, d’abord parce que j’en étais environné, et puis parce que leur plastique, leur volume rentraient dans le domaine de la nature morte comme je l’entendais […] l’instrument de musique en tant qu’objet avait cette particularité qu’on pouvait l’animer en le touchant.»

Au fil des décennies, le champ de la musique inspire concrètement plasticiens, cinéastes, écrivains, chorégraphes. Créer signifie désormais non seulement voir mais aussi entendre le bruit du monde, interroger les liens entre le regard et l’écoute, être au plus proche de ce qui fait la vie même.

Dans les années 1960, **Arman ** a maintes fois dit qu’il adorait la musique, qu’il l’écoutait en travaillant. Eliane Radigue sa femme appartenait au groupe de recherches musicales dirigé par Pierre Schaeffer, polytechnicien et excellent ingénieur du son, inventeur de machines sonores qu’il baptise «allures d’objets en musique». Membre fondateur du Nouveau Réalisme, Arman se fera le chantre de l’accumulation d’objets. Archéologue d’un univers révolu, il nourrit un rapport fétichiste et fort aux objets et notamment aux instruments de musique. Violons, guitares, pianos apparaissent régulièrement dans ses œuvres qui se nomment parfois Tocatta ou Fugues. Avec ses instruments accumulés, découpés, l’artiste s’inscrit clairement dans le sillage de Picasso cubiste comme en témoigne l’installation de 30 guitares en bronze présentée en 1982 au Musée Picasso d’Antibes. Il leur fait jouer une sorte de partition plastique : par les aléas, les déséquilibres, d’infimes rotations, la profusion infinie du même, se crée tout un ensemble d’harmonies et dissonances qui se font l’écho de la musique contemporaine atonale.

Le célèbre sculpteur Anthony Caro nourrit lui aussi une fascination pour la musique. «De même que la musique, j’aimerais que ma sculpture soit l’expression d’une émotion» disait-il. L’artiste baptise ainsi certaines de ses sculptures Requiem ou Bolero. Concert appartient à l’ensemble des Table Pieces, sculptures de table de taille modeste. Par son calme aplomb, la construction se fait lointainement l’écho des natures mortes de Cézanne ou de Morandi, mais rien n’est en réalité statique ici. Le dynamisme passe par la diversité des formes, la pluralité des matières, les différences de traitement – le plat, le convexe, le concave, le creux, le mince, le massif… qui confèrent à l’œuvre un véritable esprit symphonique.

[Extrait du Journal de l’exposition En roue libre. Balade à travers la collection d'art contemporain du musée, musée de Grenoble, 1er avril-3 juillet 2022]

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