Red-02579

Transfert de propriété au Musée de Grenoble en 2008.
Jean-Pierre Bertrand occupe une place à part
dans le contexte artistique français. Artiste
inclassable (est-il peintre, est-il sculpteur ?),
il se joue des genres comme des modes,
développant patiemment, avec une cohérence
rare, une recherche qui pose la question de
l’origine de l’œuvre d’art – l’art est-il immanent
au monde ? – et s’appuie sur des dispositifs
fictionnels – référence à Robinson Crusoé,
numérologie, manipulation de matériaux
organiques – pour tenter d’y répondre. Son
œuvre se fonde principalement sur l’ouvrage
de Daniel Defoe, Vie et Aventures de Robinson
Crusoé, qui offre à l’artiste toute une série
d’éléments susceptibles d’alimenter sa
démarche, qu’ils soient d’ordre plastique
comme le citron, utilisé en tant que tel ou pour
son jus, ou d’ordre méthodologique comme
l’exploration de la numérologie, notamment avec
la déclinaison du nombre 54. Le récit de Defoe
décrit un extraordinaire parcours initiatique
en même temps qu’il constitue une fable du
recommencement : un individu soustrait à la
société des hommes, réduit à l’état sauvage et qui,
avec foi, reconstruit un système de vie cohérent.
Ce parcours apparaît également au travers du
regard de Bertrand comme une métaphore de
la création. Et peut-être n’est-ce pas forcer les
choses que d’imaginer l’artiste à ses débuts, tel un
frère de sort de Robinson, naufragé d’une époque
où l’idée de la mort de l’art formait l’océan des
pensées dans ce domaine : seul dans la clôture
de son moi comme sur une île, avec autour de
lui quelques lambeaux arrachés à la tempête
qui avait englouti la peinture et la sculpture sous
leurs formes traditionnelles – une poignée de sel,
des citrons, du miel, quelques feuilles de papier –
et s’acharnant à redonner vie à ces matériaux
pour qu’un jour ils se présentent comme l’image
mouvante d’une réalité transcendée, simple et
solitaire manifestation de l’être.
Red-02579, grande plaque de bois peint en rouge,
placée sous un écran de plexiglas et scellée par
une cornière de métal, est très représentative du
travail pictural de Jean-Pierre Bertrand. Peinture
de la présence et de l’effacement, elle fascine par
la délicatesse de ses moirures et tient à distance
par son aspect organique, sang et chair mêlés.
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