Têtes de guerriers et d'un cheval

Anonyme italien ou français
1790 - 1795
22,2 x 26,4 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3550, n°918)

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Cette vibrante étude de têtes de guerriers et d’une encolure de cheval tracées à la plume et encre noire et à la gouache blanche (pour une tête et un torse – notons que ce médium est rarement utilisé pour délinéer une figure) restent malheureusement une énigme. Son extraction quasi minière d’un vrac de dessins sans numéros d’inventaire et son exposition dans les salles du musée permettront peut-être de la résoudre. Face à ce constat désolant, nous sommes contraints de poser des questions, elles resteront sans réponse: italien? romain, napolitain, milanais ? ou a contrario allemand, danois, suisse, anglais ?
Le nom du peintre romain Giuseppe Cades (1750-1799) a été avancé, mais réfuté par la spécialiste de l’artiste. Elle a eu tendance à orienter les recherches autour d’artistes romains ou d’origines diverses établis à Rome à la toute fin du XVIIIe siècle. On sait qu’à cette époque, plus peut-être qu’à Paris, Rome est une « ville-atelier » où tous les artistes européens de renom et de moindre renommée ou qui veulent se faire un nom se retrouvent (David, Füssli, Sergel, Abilgaard, James Barry, Angelica Kauffmann, les pensionnaires de l’Académie de France, etc.). L’effervescence intellectuelle, esthétique et artistique qui y règne trouve son terreau dans l’antique, fer de lance de toutes les communautés d’artistes, un antique toutefois éthique. On représente des sujets tirés de l’histoire grecque ou romaine ; on les dépeint à la manière grecque ou romaine. On les choisit surtout en fonction de leur portée morale : ils doivent édifier. Les têtes dessinées sur cette feuille rentrent parfaitement dans ce courant : ce sont des guerriers casqués à la grecque, étudiés très certainement pour être intégrés dans une peinture d’histoire, le genre le plus noble, celui dans lequel les artistes qui veulent se faire un nom épuisent leur talent pour satisfaire un horizon d’attente friand de tels sujets porteurs d’exempla virtutis. C’est peut-être autour de Cades qu’il faut chercher le nom du dessinateur potentiel de cette feuille. Celui de Vincenzo Camuccini (1771-1844) a ainsi été avancé. Comme Cades, il est passé dans l’atelier de Domenico Corvi. Mais ses dessins sont assez bien connus grâce à la survivance de son fonds d’atelier : ils présentent un faire sensiblement différent. Il fréquenta un lieu de sociabilité et d’émulation artistique, l’Accademia de’Pensieri fondée par le peintre Felice Giani, où se retrouvaient entre 1790 et 1796 des peintres tels que Pietro Benvenuti, Giuseppe Bossi, Fabre, Wicar, Luigi Sabatelli, et dont le but était de faire en sorte que ses participants apprennent « l’arte di ben comporre » (« l’art de bien composer »). C’est peut-être dans ce milieu que ce nom pourrait être trouvé. Celui de Sabatelli (1772-1850) – passé également dans l’atelier de Corvi – est d’ailleurs le plus séduisant. Et certains de ses dessins montrent une manière assez proche.
Mais Rome n’est pas la seule ville candidate. On dessine de la même façon à Milan et à Naples. Les barrières stylistiques régionales à la fin du XVIIIe siècle ne sont plus aussi étanches. Un artiste comme le Napolitain Giuseppe Cammarano (1766-1850) pourrait tout autant être convoqué sur le devant de la scène attributive. Deux de ses dessins – certes ce ne sont pas des feuilles d’études – exposés récemment à Naples montrent des têtes de guerriers comparables[1]. Cette mise en parallèle n’est à cette heure qu’une piste de travail. Il se pourrait même que le dessin soit l’œuvre d’un dessinateur français proche de François André Vincent (1746-1816), voire Vincent lui-même, même si la technique utilisée est inhabituelle dans l’œuvre graphique de cet artiste.


[1] Le premier dessin représente la Mort de Virginie (Naples, coll. part.) ; le second, L’Effroi de Gaius Fabritius Luscinus dans le campement de Pirrhus (coll. part.).

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