Rubens, au millimètre près

lundi 23 janvier 2023

Il y a de l’activité autour de notre tableau de Rubens !

Une équipe de la Factum Foundation vient en scanner chaque centimètre de toile : grâce à ces relevés, ils pourront imprimer sur toile un fac-simile à l’échelle. Celui-ci sera exposé à l’automne au Palazzo Te, à Mantoue, pour évoquer le passage de l’artiste flamand dans cette ville.

Rome – Mantoue - Grenoble

La demande de nos collègues italiens peut sembler étrange, puisque le Saint Grégoire n’était pas destiné à une église mantouane. Il a été commandé par les Oratoriens pour le maître-autel de Santa Maria in Vallicella à Rome (aussi appelée la Chiesa Nuova).
Pourtant, lorsqu’en 1606, Pierre Paul Rubens accepte sa première commande romaine d’importance, il n’est pas un artiste indépendant : depuis 1600, il travaille pour Vincent de Gonzague, duc de Mantoue, qui lui verse une pension annuelle. Ce dernier n’est d’ailleurs pas enthousiaste à l’idée de voir le peintre éloigné de sa cour. Pendant deux ans, Rubens doit user de persuasion pour continuer son travail à Rome.
Le 2 février 1608, l’artiste envoie une nouvelle lettre à son mécène : le tableau de Santa Maria in Vallicella est enfin terminé et « complètement réussi ». Mais une fois placé sur le maître-autel, les reflets de lumière le rendent illisible. Rubens envisage donc d’en peindre une nouvelle version, plus matte, sur ardoise. Et le voilà embarrassé d’une huile sur toile monumentale, qu’il essaye de faire acheter à son protecteur mantouan. Celui-ci refuse poliment.
Le tableau accompagne donc le peintre à son retour à Anvers et il est placé au-dessus de la tombe de la mère de l’artiste dans l’abbatiale Saint-Michel. C’est là qu’il est saisi en 1800, lorsque les commissaires révolutionnaires cherchent à rassembler au Muséum du Louvre les chefs-d’œuvre européens. Il y reste une dizaine d’années, avant d’être envoyé à Grenoble.

 

Un prêt par substitution

Aujourd’hui, il serait quasiment impossible de mettre en œuvre la proposition de Rubens, en prêtant le Saint Grégoire à Mantoue. Avec son cadre, il mesure 5m50 sur 3m60 (un peu moins de 20 m²) et pèse 540 kg. Depuis son arrivée au musée, il n’a quitté Grenoble qu’une seule fois, en 1935, lorsqu’il est restauré dans les ateliers du musée du Louvre puis présenté à l’exposition « Les chefs-d’œuvre du musée de Grenoble », au Petit Palais.

La solution choisie a donc été d’en faire un fac-simile de très grande précision. La Factum Foundation a développé les technologies nécessaires pour pouvoir copier la surface de la toile. Après avoir scanné centimètre par centimètre les moindres accidents du tableau, ils produiront un moule par impression 3D. Celui-ci servira ensuite à produire un support en gesso – un apprêt de toile -, sur lequel une impression en très haute définition sera collée. La copie donnera donc l’illusion de la texture de l’original. Vous pouvez en découvrir davantage sur ce processus, à travers l’exemple d’un portrait de Goya du Prado (en anglais et en espagnol, mais très illustré).
La fondation peaufine ses procédés de numérisation et reproduction depuis 2004. C’est d’ailleurs une première version du processus qui a permis à un fac-simile des Noces de Cana de Véronèse d’être installé à l’emplacement original du tableau, dans le réfectoire du couvent San Giorgio Maggiore, à Venise.

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