Les Rogations ; confrérie des Pénitents Blancs (Dauphiné)
Tancrède Bastet s’est intéressé à des sujets
très divers et montre autant d’aisance à
peindre des moments de la vie quotidienne,
des nus, des portraits que des paysages. Il a
notamment produit plusieurs oeuvres qui
évoquent des moments de la liturgie catholique
et de la pratique religieuse dans le
monde rural, en Isère et dans les Hautes-
Alpes, comme une Scène de communion solennelle
aux Adrets, dessinée à Montaud et titré
Attolite Portas (1895), la spiritualité d’un père
chartreux en prière dans Méditation ou le deuil
dans Cimetière de la Tour-sans-Venin[1] (1890)
et Jeune fille au chrysanthème[2] (1897). Le Credo[3], présenté au Salon de 1892, annonce
Les Rogations de 1897 : l’épisode se déroule
dans le même lieu de culte avec les mêmes
protagonistes (pénitents et enfant de choeur).
Les deux oeuvres, peintes à cinq ans d’intervalle,
laissent donc supposer que Bastet
conservait une documentation – croquis et
photographies –, car Les Rogations captent
l’entrée d’une procession de pénitents blancs,
comme pourrait en rendre compte un cliché
photographique. Il combine ici l’art du portrait
naturaliste et une approche presque ethnographique
de la scène de genre dans un registre
généralement peu exploré par les artistes. Ces
figures masculines aux traits marqués, la tête
couverte d’un foulard et vêtues d’une tunique
immaculée, symbole de la pureté et du Saint-
Esprit, allument un cierge en entrant dans
l’église sous le regard d’un jeune servant
d’autel habillé de la soutanelle rouge et du
surplis de toile fine. Le contraste est saisissant
entre les deux générations, mais on peut
imaginer que le jeune garçon, éduqué dans la
foi de ses aînés, suivra leurs pas.
Essentiellement concentrées dans le sud-est,
ces anciennes confréries de laïcs aux rites très
codifiés nous sont aujourd’hui bien lointaines.
Quelques-unes, dans le Briançonnais, se sont
maintenues jusqu’au milieu du xxe siècle. Dans
le calendrier liturgique, les rogations sont les
trois jours qui précèdent le jeudi de l’Ascension.
On ignore la place que tenait la religion dans la
vie de l’artiste, mais ces oeuvres montrent qu’il
y portait une attention particulière.
Tancrède Bastet offre cette peinture à la
Ville de Grenoble en 1897 pour qu’elle figure
à l’hôtel de ville « surtout et beaucoup par
reconnaissance des encouragements que la
ville a bien voulu m’accorder au début de ma
carrière artistique[4] ».
[1] Église de Domène.
[2] Musée des Beaux-Arts de Lyon (B 583).
[3] Musée de Grenoble (MG 969).
[4] Archives Municipales de Grenoble, R2/46, lettre de Tancrède Bastet au maire de Grenoble, 21 avril 1897.
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