Le Repos pendant la fuite en Egypte

Giovanni Battista DELLA ROVERE dit IL FIAMMENGHINO
XVIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre brune, sur un tracé à la pierre noire, rehauts de gouache blanche, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune, trait d'encadrement rapporté à la pierre noire, sur papier vergé bleu
13,3 x 17,9 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3544, n°1274).

Voir sur navigart

Cette notice a été rédigée pour MG D 1990 et MG D 304

Giovanni Battista della Rovere est né à Milan et a travaillé dans la ville lombarde, mais sa famille est originaire d’Anvers dans les Pays-Bas, d’où son surnom de « Fiamminghino », le Petit Flamand. Son frère Giovanni Mauro (1575- 1640) a aussi été affublé du même surnom. Ils ont souvent travaillé ensemble ; leur manière du coup n’est pas toujours reconnaissable. C’est ainsi que si le verso du dessin, étudiant un Repos pendant la fuite en Égypte, ne portait pas une annotation ancienne se rapprochant de celles que l’on trouve sur ses dessins autographes, nous aurions très certainement attribué cette feuille à Giovanni Mauro dont les dessins sont souvent saturés de rehauts de gouache blanche. Giovanni Battista avait en effet l’habitude d’annoter de ses initiales J. B. R. le verso de ses dessins suivies de l’année, du mois, et parfois de la date exacte de réalisation de la composition tracée au recto. L’inscription figurant sur le dessin grenoblois est malheureusement partiellement effacée et coupée[1]. Aucune ne figure sur la feuille étudiant la Pentecôte . Mais comme Giulio Bora l’a montré, il semblerait qu’à partir d’une certaine date, vers 1610, Giovanni Battista abandonne cette pratique. C’est grâce à Philip Pouncey que les initiales, qui étaient jusqu’alors prises pour celles de Giovanni Battista Ricci da Novara, purent être correctement identifiées[2]. Cette confusion n’était pourtant pas dénuée de fondements. Car la matière stylistique des dessins de Giovanni Battista della Rovere se rapproche de celle de peintres qui travaillèrent à Rome dans les chantiers pontificaux de Sixte Quint, pendant les années 1585-1590, comme Giovanni Guerra, Cesare Nebbia et Ricci. D’où l’hypothèse souvent émise que les frères Della Rovere se soient formés à Rome durant ces années-là, peut-être sur ces chantiers de décoration. Giovanni Battista a disposé sur deux autres dessins référencés le sujet du Repos pendant la fuite en Égypte. La première feuille est conservée au Prado[3]. Elle porte les initiales de Giovanni Battista et la date de 1608 au mois d’octobre. La deuxième appartient à la Pinacoteca Civica de Pesaro. Elle est attribuée dans le catalogue du musée à Giovanni Mauro[4], mais elle nous semble de la même main que les deux autres. Aucune annotation particulière au verso du papier d’œuvre n’y figure. Si le dessin madrilène présente une composition tout en hauteur, celle étudiée sur le dessin de Pesaro est en revanche dans le même sens que la feuille grenobloise. Ses dimensions (14,3 x 16,1 cm), sa couleur (bleue) ainsi que les médiums employés (plume, lavis et gouache blanche) sont également identiques. Chacune des dispositions est différente d’une feuille à l’autre : Giovanni Battista varie sur le même sujet. Si sur le dessin de Grenoble, le petit Jésus recueille l’eau de source sur la gauche, sur le dessin de Pesaro, c’est sur la droite tandis que sur le dessin du Prado, c’est un autre acteur non présent sur les deux autres œuvres qui intervient à la place de Jésus. Un élément curieux d’un point de vue iconographique se retrouve sur chacune des compositions : une nappe posée à même le sol sur laquelle reposent couteau, assiette, fruits ou cuillères. Il faudrait donc plutôt parler du « pique-nique de la Sainte Famille lors de la fuite en Égypte ».
Le sujet de la Pentecôte a également été étudié et représenté par Giovanni Battista sur un autre dessin. Ce dernier est conservé à l’Accademia à Venise et montre une composition complète tout en hauteur, sur laquelle apparaît le Saint- Esprit, ce qui fait dire que la feuille grenobloise a été coupée par le haut, comme le laisse supposer le regard des apôtres, tourné dans cette direction. Le dessin vénitien porte les initiales de Giovanni Battista, la date de 1599 au 22 août[5] et est associé à un autre dessin étudiant le sujet de la Résurrection, portant exactement la même date[6].
Malheureusement pour les deux dessins grenoblois (ainsi que les autres qui leur sont associés, sans que l’on sache s’ils appartiennent à un même dossier génétique conduisant à une peinture supposée ou s’il s’agit de simples variations sans fin préparatoire, réalisées à plusieurs années de distance), aucune œuvre peinte en rapport n’est connue.


[1] Il est à noter que Giovanni Battista, sur la plupart de ses dessins, annote le verso au centre du papier d’œuvre. Cela signifie que les dimensions du dessin de Grenoble étaient à l’origine bien plus importantes. Il a donc été coupé.
[2] Dans un compte rendu paru dans le Burlington Magazine en 1959, p. 297, portant sur le catalogue des dessins italiens de la Biblioteca Reale de Turin.
[3] Inv. F.D. 1609 ; Mena Marqués, 1983, p. 147, fig. 274. : Plume et encre brune, lavis d’encre brune sur papier blanc, 30,9 x 18,4 cm.
[4] Inv. n. 2943/22 ; Giardini et al., 1993, no 11. Plume et encre brune, lavis d’encre brune, rehauts de gouache blanche, trait d’encadrement à la plume et à l’encre brune sur papier bleu, 14,3 x 16,1 cm.
[5] Inv. n. 641.
[6] Inv. n. 642.

Découvrez également...