Le Repos pendant la fuite en Egypte
Cette notice a été rédigée pour MG D 1990 et MG D 304
Giovanni Battista della Rovere est né à Milan et
a travaillé dans la ville lombarde, mais sa famille
est originaire d’Anvers dans les Pays-Bas, d’où
son surnom de « Fiamminghino », le Petit
Flamand. Son frère Giovanni Mauro (1575-
1640) a aussi été affublé du même surnom. Ils
ont souvent travaillé ensemble ; leur manière
du coup n’est pas toujours reconnaissable. C’est
ainsi que si le verso du dessin, étudiant un Repos
pendant la fuite en Égypte, ne portait pas une
annotation ancienne se rapprochant de celles
que l’on trouve sur ses dessins autographes,
nous aurions très certainement attribué cette
feuille à Giovanni Mauro dont les dessins sont
souvent saturés de rehauts de gouache blanche.
Giovanni Battista avait en effet l’habitude
d’annoter de ses initiales J. B. R. le verso de ses
dessins suivies de l’année, du mois, et parfois
de la date exacte de réalisation de la composition
tracée au recto. L’inscription figurant sur
le dessin grenoblois est malheureusement
partiellement effacée et coupée[1]. Aucune ne
figure sur la feuille étudiant la Pentecôte
. Mais
comme Giulio Bora l’a montré, il semblerait
qu’à partir d’une certaine date, vers 1610,
Giovanni Battista abandonne cette pratique.
C’est grâce à Philip Pouncey que les initiales,
qui étaient jusqu’alors prises pour celles de
Giovanni Battista Ricci da Novara, purent être
correctement identifiées[2]. Cette confusion
n’était pourtant pas dénuée de fondements. Car
la matière stylistique des dessins de Giovanni
Battista della Rovere se rapproche de celle de
peintres qui travaillèrent à Rome dans les
chantiers pontificaux de Sixte Quint, pendant
les années 1585-1590, comme Giovanni
Guerra, Cesare Nebbia et Ricci. D’où l’hypothèse
souvent émise que les frères Della Rovere
se soient formés à Rome durant ces années-là,
peut-être sur ces chantiers de décoration.
Giovanni Battista a disposé sur deux autres
dessins référencés le sujet du Repos pendant la
fuite en Égypte. La première feuille est
conservée au Prado[3]. Elle porte les initiales de
Giovanni Battista et la date de 1608 au mois
d’octobre. La deuxième appartient à la Pinacoteca
Civica de Pesaro. Elle est attribuée dans le
catalogue du musée à Giovanni Mauro[4], mais
elle nous semble de la même main que les deux
autres. Aucune annotation particulière au verso
du papier d’œuvre n’y figure. Si le dessin madrilène
présente une composition tout en hauteur,
celle étudiée sur le dessin de Pesaro est en
revanche dans le même sens que la feuille grenobloise. Ses dimensions (14,3 x 16,1 cm),
sa couleur (bleue) ainsi que les médiums
employés (plume, lavis et gouache blanche)
sont également identiques. Chacune des dispositions
est différente d’une feuille à l’autre :
Giovanni Battista varie sur le même sujet. Si sur
le dessin de Grenoble, le petit Jésus recueille
l’eau de source sur la gauche, sur le dessin de
Pesaro, c’est sur la droite tandis que sur le dessin
du Prado, c’est un autre acteur non présent sur
les deux autres œuvres qui intervient à la place
de Jésus. Un élément curieux d’un point de vue
iconographique se retrouve sur chacune des
compositions : une nappe posée à même le sol
sur laquelle reposent couteau, assiette, fruits ou
cuillères. Il faudrait donc plutôt parler du
« pique-nique de la Sainte Famille lors de la
fuite en Égypte ».
Le sujet de la Pentecôte a également été étudié
et représenté par Giovanni Battista sur un autre
dessin. Ce dernier est conservé à l’Accademia à
Venise et montre une composition complète
tout en hauteur, sur laquelle apparaît le Saint-
Esprit, ce qui fait dire que la feuille grenobloise
a été coupée par le haut, comme le laisse
supposer le regard des apôtres, tourné dans
cette direction. Le dessin vénitien porte les
initiales de Giovanni Battista, la date de 1599
au 22 août[5] et est associé à un autre dessin
étudiant le sujet de la Résurrection, portant
exactement la même date[6].
Malheureusement pour les deux dessins grenoblois
(ainsi que les autres qui leur sont associés,
sans que l’on sache s’ils appartiennent à un
même dossier génétique conduisant à une
peinture supposée ou s’il s’agit de simples variations
sans fin préparatoire, réalisées à plusieurs
années de distance), aucune œuvre peinte en
rapport n’est connue.
[1] Il est à noter que Giovanni Battista, sur la plupart de ses dessins, annote le verso au centre du papier d’œuvre. Cela signifie que les dimensions du dessin de Grenoble étaient à l’origine bien plus importantes. Il a donc été coupé.
[2] Dans un compte rendu paru dans le Burlington Magazine en 1959, p. 297, portant sur le catalogue des dessins italiens de la Biblioteca Reale de Turin.
[3] Inv. F.D. 1609 ; Mena Marqués, 1983, p. 147, fig. 274. : Plume et encre brune, lavis d’encre brune sur papier blanc, 30,9 x 18,4 cm.
[4] Inv. n. 2943/22 ; Giardini et al., 1993, no 11. Plume et encre brune, lavis d’encre brune, rehauts de gouache blanche, trait d’encadrement à la plume et à l’encre brune sur papier bleu, 14,3 x 16,1 cm.
[5] Inv. n. 641.
[6] Inv. n. 642.
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