Bateaux en rade

Jan DE BISSCHOP
2ème moitié XVIIe siècle
Traces de graphite, plume et encre brune, lavis d'encre brune, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé crème
11,3 x 16,7 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, n°2062)

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Avocat célèbre à la cour de La Haye, très lié à la puissante famille Huygens, Jan de Bisschop pratique le dessin et l’eau-forte comme d’autres riches amateurs hollandais. Mais son oeuvre artistique est d’une telle qualité que le terme « artiste amateur » prête à discussion. Bisschop et d’autres riches artistes amateurs de l’époque, comme Constantijn van Renesse ou Jan van de Capelle, n’ont en effet rien à envier aux « véritables » artistes hollandais du XVIIe siècle. Ce terme « artiste hollandais » est d’ailleurs lui aussi très discutable car nombre d’entre eux pratiquent un autre métier pour vivre.
Qui était le maître de Jan de Bisschop ? Il est possible, pour des raisons stylistiques, de proposer le nom de Bartholomeus Breenbergh car ses dessins exécutés à Amsterdam offrent de nombreuses similitudes stylistiques avec ceux du jeune Jan de Bisschop. Pourtant, la relation entre les deux artistes n’est pas documentée. De son côté, Jan de Bisschop enseigne l’art du dessin à Constantijn Huygens le Jeune et l’encourage à dessiner d’après nature (MG D 642). Actif également comme graveur, Bisschop invente une encre d’un rouge intense, qui porte son nom (« Bisschops Inkt »), en mêlant du rouge de cuivre à de l’encre de Chine[1]. Il excelle dans les dessins de paysages italianisants et hollandais ainsi que dans l’art du portrait, depuis ses années d’études passées à Leyde entre 1649 et 1652. De nos jours en revanche, Bisschop est surtout connu pour ses deux publications, parues à la fin de sa vie : le Signorum veterum Icones (1669) et le Paradigmata Graphices (1671). Dans ces ouvrages, il propage et défend l’art antique et la Renaissance et, dans une moindre mesure, le baroque italien et flamand. Illustrant ostensiblement son propos de ses propres gravures et de ses séduisantes copies dessinées, il présente ces courants aux artistes comme des modèles à suivre, les encourageant à s’en inspirer tout en les mettant en garde contre une imitation trop poussée de la nature. Les textes de Van Gelder, et plus récemment de R. E. Jellema et Michiel Plomp[2], ont bien décrit cette fascination pour l’Antiquité dans l’art de Bisschop et son intérêt pour les études d’après nature – l’artiste latinise son nom en Episcopius et monogramme ainsi un de ses paysages de 1652 (Victoria and Albert Museum à Londres[3]) – soulignant sa place dans le monde artistique hollandais de la seconde moitié du XVIIe siècle.
Le dessin de Grenoble est annoté Rademaker sur le montage. Son attribution à Bisschop revient à Charles Dumas[4], qui nous a indiqué un petit groupe d’études de bateaux très similaires, aux mêmes dimensions, toutes conservées dans des collections privées et sans doute issues d’un même recueil d’esquisses. Aucune de ces feuilles, attribuées à l’artiste, n’est signée et une certaine prudence paraît nécessaire. Deux de ces dessins ont été exposés au musée Fodor à Amsterdam en 1935 et proviennent de la collection Van Eeghen[5], un autre a été vendu chez Christie’s à Paris, le 21 mars 2002 (n° 111) et un quatrième chez Sotheby’s à Amsterdam, le 16 novembre 2005 (n° 142). Toutes les feuilles de cette audacieuse série de bateaux, au lavis rougeâtre intense, montrent le même aspect non finito, ce qui explique pourquoi de nombreux autres dessins de Bisschop ont été « embellis » au cours du XVIIIe siècle afin de leur donner un caractère plus fini. Abraham Rademaker, auquel le dessin de Grenoble était donné, fait partie de ce groupe de dessinateurs qui n’hésitent pas à intervenir sur un dessin de maître du siècle précédent[6]. Bisschop préfigure ainsi les artistes de plein air du XIXe siècle, aussi avons-nous longtemps pensé le dater de cette époque tardive.
Bisschop joue ici admirablement sur le contraste entre le brun rougeâtre des bateaux et le blanc du papier. Il réussit ainsi à rendre l’épais brouillard blanchâtre qui enveloppe les embarcations. Les formes légèrement diffuses des navires, qui se fondent dans l’atmosphère, témoignent avec éclat du talent et de la maîtrise des moyens plastiques chez cet artiste qualifié d’« amateur ».


[1] Voir Van Gelder, 1971, p. 217, notes 67-68.
[2] Voir Van Gelder, 1971, et Jellema et Plomp, 1992.
[3] Victoria and Albert Museum, Inv. no E. 785-1921.
[4] Communication orale du 12 février 2013.
[5] N° 93, présenté sous une attribution à Jacob van der Ulft, mais la notice propose le nom de Bisschop.
[6] Voir cat. exp. Vienne, 1993, n° 73, et Dumas, 2011, p. 457.

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