Femme assise en costume du XVIIe siècle
Cette étude de femme en riche costume historique est entrée au musée de Grenoble sous le nom d’Eugène Devéria, en raison du paraphe à la plume et à l’encre brune, en bas à gauche de la feuille, dans lequel on a cru lire les lettres « E. D. ». Cette attribution se comprend si l’on considère que cet artiste et son frère aîné Achille ont tous deux sacrifié à la mode du genre historique : Eugène à travers des peintures empruntant leurs sujets à l’histoire, traités dans une veine anecdotique comme La Naissance d’Henri IV en 1827 ou au théâtre comme Scène des Fourberies de Scapin en 1849 [1], Achille dans de petites peintures comme Le Duc et la duchesse de Guise en 1829 [2], inspirée d’une pièce d’Alexandre Dumas, ou des séries lithographiées sur les Costumes historiques de ville ou de théâtre et travestissements, en 1831. L’attribution est aujourd’hui rejetée par Olivia Voisin, spécialiste de l’artiste, qui ne reconnaît pas la main d’Eugène – ni d’ailleurs celle de son frère –, dans le graphisme de cette étude. Avec ses manches tailladées et bouffantes, son corsage baleiné, sa jupe et sa collerette en dentelle faisant écrin à son décolleté plongeant, souligné de deux rangs de perles, cette élégante en costume ne peut être rapprochée d’aucune peinture, mais est en revanche très proche de ces lithographies de costumes historiques qui fleurissent à l’époque romantique. Son traitement rapide à la plume, la fantaisie de son vêtement (assez proche de l’époque Louis XIII), ne sont pas sans évoquer aussi les maquettes de costumes élaborées pour le théâtre ou l’opéra qui abondent tout au long du XIXe siècle. La bibliothèque nationale conserve ainsi plusieurs recueils de planches dessinées pour des opéras italiens, de Rossini à Verdi, datant de 1815 à 1850, où chaque personnage, avec ses atours de spectacle, fait l’objet d’une étude isolée à la plume, parfois rehaussée d’aquarelle et de gouache [3]. Les gestes déclamatoires du personnage (le bras gauche levé et l’autre crispé sur un mouchoir, le visage tourné vers un interlocuteur invisible) appartiennent clairement au registre du théâtre ou de l’opéra, même s’il n’est pas possible de rattacher ce personnage à une œuvre connue. Le dessin, en tout cas, doit se situer assez tôt dans le siècle car la feuille sur laquelle il est tracé possède un filigrane daté de 1794 et correspond à un des premiers papiers vélin fabriqués en Angleterre par James Whatman. Ce filigrane, qui comprend la date suivie des lettres « J. W » (ici coupées), correspond au numéro « Gravell No. TJ 341 », dans le répertoire des marques Gravell Watermark Archive. Ce papier est encore en usage en 1803, mais peut très bien avoir été encore utilisé des années plus tard. Le dessin pourrait donc avoir été réalisé dans les années 1820-1830, période pendant laquelle s’épanouit le genre historique, sur un papier plus ancien.
[1] Eugène Devéria, Scène des Fourberies de Scapin, huile sur carton, 1849, Pau, musée des Beaux-Arts, inv. 91.7.1.
[2] Achille Devéria, Le Duc et la duchesse de Guise, scène d’Henri III et sa cour d’Alexandre Dumas, 1829, Paris, musée de la Vie romantique.
[3] [Cenerentola, opéra italien : recueil de planches de costumes : dessins] ou [Beatrice di Tenda, opéra de V. Bellini : recueil de planches de costumes : dessins], Paris, Bibliothèque nationale.
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