Etude de trois têtes d'homme barbu

Antonio CAMPI
XVIe siècle
Pierre noire, rehauts de craie blanche sur papier vergé bleu doublé
22,9 x 16,3 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3544, n°1277).

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Un certain nombre de dessins d’Antonio Campi portent des annotations anciennes, mentionnant le nom du dessinateur et peintre crémonais. Elles sont généralement à prendre en considération et à entériner. Il est même possible de dire qui a annoté les papiers d’œuvre puisque certaines de ces annotations sont parfois suivies du nom de leur auteur, Claudio Campi, fils du dessinateur, comme sur ce dessin conservé aux Uffizi : « de mane del Cavagliero Ant.o Campo patre de /me Claudio ». Le dessin de Grenoble ne semble pas avoir été annoté de la main de Claudio dont l’écriture n’est pas aussi régulière. Et surtout, le nom de Claudio n’est pas indiqué. L’attribution inscrite semble en revanche juste. L’œuvre graphique d’Antonio Campi comporte quelques exemples d’études de têtes réalisées à la pierre noire, très certainement d’après des modèles vivants, selon les mêmes termes stylistico- techniques. Le dessin de Grenoble montre ainsi trois profils tournés vers la gauche d’une seule et même tête, trois mouvements saisis sur le vif presque successifs d’un homme regardant en face (tête du haut), vers le bas (tête figurée en bas à gauche et tournée vers le bas), et de biais (tête dessinée en bas à droite de trois quarts), comme si Antonio Campi s’était légèrement déplacé autour de son modèle ou si celui-ci s’était lentement tourné vers le dessinateur. C’est cette attention portée au réel dans ses moindres détails (calvitie, barbe broussailleuse, cernes des yeux…), et en retour l’effet qu’il donne à voir, qui a fait dire à nombre d’historiens de l’art depuis Roberto Longhi qu’Antonio s’était engagé « dans un défi expérimental allant dans un sens naturaliste et pré-caravagesque ». C’est peut-être ce caractère « naturaliste », pour reprendre une notion historiographique dont la validité est à prendre avec précaution, qui fait que le ou les motifs dessinés sur cette feuille ne trouvent pas de contrepartie exacte dans l’œuvre peint d’Antonio, même si, on peut s’en douter, Antonio a pu utiliser ce dessin en modifiant les angles de vue et les airs d’expression, ce qui ne serait pas étonnant tant son œuvre peint comporte de figures d’homme barbu d’un certain âge.
Antonio n’est pas le seul dessinateur à appréhender le réel avec une telle attention. À Milan, où il a séjourné à plusieurs reprises pour répondre à des commandes, Giovan Ambrogio Figino (1548-1608) dessine d’une manière assez proche [1]. Mais il est vrai que ce peintre appartient à une génération postérieure. Il serait en fait plus juste de le rapprocher de la manière de faire de son frère aîné Giulio (c. 1508-1573) et de son frère benjamin Vincenzo (1530/1535- 1591) dont on conserve des œuvres fort comparables. Ceci étant dit, tous se réclament d’une tradition établie à Milan par Léonard de Vinci dont on connaît l’intérêt porté à la représentation in vivo et in situ.


[1] Voir notamment un dessin conservé à Milan, Musei Civici del Castello, inv. 2533 (B913), étudiant également trois profils d’une même tête d’homme barbu.

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