Etude de trois têtes d'homme barbu
Un certain nombre de dessins d’Antonio Campi
portent des annotations anciennes, mentionnant
le nom du dessinateur et peintre crémonais.
Elles sont généralement à prendre en considération
et à entériner. Il est même possible de
dire qui a annoté les papiers d’œuvre puisque
certaines de ces annotations sont parfois suivies
du nom de leur auteur, Claudio Campi, fils du
dessinateur, comme sur ce dessin conservé aux
Uffizi : « de mane del Cavagliero Ant.o Campo
patre de /me Claudio ». Le dessin de Grenoble
ne semble pas avoir été annoté de la main de
Claudio dont l’écriture n’est pas aussi régulière.
Et surtout, le nom de Claudio n’est pas indiqué.
L’attribution inscrite semble en revanche juste.
L’œuvre graphique d’Antonio Campi comporte
quelques exemples d’études de têtes réalisées à la
pierre noire, très certainement d’après des
modèles vivants, selon les mêmes termes stylistico-
techniques. Le dessin de Grenoble montre
ainsi trois profils tournés vers la gauche d’une
seule et même tête, trois mouvements saisis sur
le vif presque successifs d’un homme regardant
en face (tête du haut), vers le bas (tête figurée en
bas à gauche et tournée vers le bas), et de biais
(tête dessinée en bas à droite de trois quarts),
comme si Antonio Campi s’était légèrement
déplacé autour de son modèle ou si celui-ci
s’était lentement tourné vers le dessinateur. C’est
cette attention portée au réel dans ses moindres
détails (calvitie, barbe broussailleuse, cernes des
yeux…), et en retour l’effet qu’il donne à voir,
qui a fait dire à nombre d’historiens de l’art
depuis Roberto Longhi qu’Antonio s’était
engagé « dans un défi expérimental allant dans
un sens naturaliste et pré-caravagesque ».
C’est peut-être ce caractère « naturaliste », pour
reprendre une notion historiographique dont
la validité est à prendre avec précaution, qui fait
que le ou les motifs dessinés sur cette feuille ne
trouvent pas de contrepartie exacte dans
l’œuvre peint d’Antonio, même si, on peut s’en
douter, Antonio a pu utiliser ce dessin en
modifiant les angles de vue et les airs d’expression,
ce qui ne serait pas étonnant tant son
œuvre peint comporte de figures d’homme
barbu d’un certain âge.
Antonio n’est pas le seul dessinateur à appréhender
le réel avec une telle attention. À Milan,
où il a séjourné à plusieurs reprises pour
répondre à des commandes, Giovan Ambrogio
Figino (1548-1608) dessine d’une manière assez
proche [1]. Mais il est vrai que ce peintre appartient
à une génération postérieure. Il serait en
fait plus juste de le rapprocher de la manière de
faire de son frère aîné Giulio (c. 1508-1573) et
de son frère benjamin Vincenzo (1530/1535-
1591) dont on conserve des œuvres fort comparables.
Ceci étant dit, tous se réclament d’une
tradition établie à Milan par Léonard de Vinci
dont on connaît l’intérêt porté à la représentation
in vivo et in situ.
[1] Voir notamment un dessin conservé à Milan, Musei Civici del Castello, inv. 2533 (B913), étudiant également trois profils d’une même tête d’homme barbu.
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