Etude pour la figure d'un saint Jean l'Evangéliste

La découverte d’un dessin de Polidoro, surtout
lorsque celle-ci prend les apparences d’une
redécouverte puisque le dessin de Grenoble
était déjà classé sous le nom de Polidoro depuis
la fin des années 1960, provoque toujours
l’incrédulité (comment se peut-il qu’un dessin
de cette importance et de cette qualité puisse
dormir depuis presque quarante ans dans un
cabinet ?) et l’excitation (celle du connaisseur
qui ajoute une pièce à un puzzle).
L’œuvre graphique de Polidoro, a contrario de
l’œuvre pictural (on sait l’admiration que
provoquèrent auprès de ses pairs, commanditaires,
et de générations entières d’artistes à
l’époque moderne les fresques en camaïeu qu’il
peignit sur les façades de palais romains et qui
en raison des intempéries ont aujourd’hui
disparu), est suffisamment riche pour pouvoir
y reconnaître sa main. Il est aussi assez facilement
datable tant Polidoro, au gré de ses
contacts et de ses voyages (de Rome à Messine
en passant par Naples), évolue et se renouvelle
tout en restant reconnaissable. Il est ainsi
possible de dire que le dessin grenoblois date
de l’ultime période du peintre, celle au cours de
laquelle il travaille pour les confraternités
laïques, les Carmélites et Franciscains et
certaines grandes familles de la ville de Messine
en Sicile. Il s’y installe en 1528 et y meurt en
1543 selon Vasari.
Mais si l’on peut mettre en rapport ce dessin
avec d’autres feuilles à partir de critères stylistico-
techniques, tel ce dessin en main privée
montrant la figure en pied d’un Saint Jacques
réalisée entièrement à la pointe du pinceau
dont le tracé confère aux lignes de contours et
aux traits de délimitation des plis de la tunique
une plus grande épaisseur et aussi un aspect
plus diaphane, rejoignant en cela les plages du
lavis et leur fonction structurante de modulation
des formes, il n’a malheureusement pas été
possible de trouver d’autres œuvres graphiques
appartenant ou supposées appartenir au même
dossier génétique. Aucune feuille à cette heure
étudiant la figure d’un saint Jean l’Évangéliste
ne semble en effet connue. Et surtout, aucune
autre figure d’évangéliste disposée de manière
semblable, assise sur un nuage, n’a été
retrouvée. Peut-être faudrait-il imaginer que
Polidoro a réalisé ce dessin à destination de son
principal assistant et collaborateur, Stefano
Giordano, à partir duquel celui-ci aurait réalisé
sa propre peinture. Mais cette supposition ne
repose sur rien d’avéré. Tout ce que l’on peut
dire de certain est que Polidoro se souvient de la
pose du Prophète Isaïe de son maître Raphaël
peint à fresque dans l’église Sant’Agostino à
Rome (la position en retrait de la jambe droite
est la même).
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