Homme assis
Les deux frères Berckheyde, Gerrit et Job, sont
aujourd’hui connus pour leurs peintures d’architectures
lumineuses de villes de Hollande
comme Haarlem, Amsterdam ou La Haye.
Avec une grande précision, ils représentent
des vues harmonieuses et paisibles de la vie
urbaine hollandaise où règnent la propreté,
la sécurité et la prospérité. Les Berckheyde
rendent ainsi compte d’une réalité observée
par tous les voyageurs du XVIIe siècle, en idéalisant
toutefois leur propos, ce qui ne semble
pas avoir déplu à la fière bourgeoisie qui
achète leurs tableaux.
Les scènes de genre et les paysages sont plus
rares dans leur oeuvre. Le musée des beaux-arts
de Strasbourg conserve pourtant deux
Passages avec chasseurs de la main de Gerrit
Berckheyde[1]. Arnold Houbraken rapporte que
les deux frères, lors d’un voyage en Allemagne
dans les années 1650, représentent l’électeur
palatin Karl I Ludwig[2] à la chasse à Heidelberg.
Ce tableau, aujourd’hui disparu, montre
l’intérêt que les frères Berckheyde portent
à la figure humaine. D’ailleurs, cet intérêt se
manifeste aussi dans leurs scènes architecturées,
animées de multiples promeneurs et
marchands.
Il n’est donc pas étonnant qu’on attribue aux
Berckheyde des études de personnages, sans
que l’on cherche toutefois exactement à déterminer
lequel des deux frères en est l’auteur. Le
dessin de Grenoble s’ajoute à cet ensemble.
Attribuée jusqu’ici à Adriaen Brouwer, cette
feuille représente un homme assis sur un
podium et fumant une pipe. L’oeuvre est dessinée
à la pierre noire, rehaussée de craie blanche
sur papier bleu. Son état de conservation n’est
pas excellent : trop exposé à la lumière, le trait
à la pierre noire a perdu de sa précision, raison
pour laquelle nous préférons présenter la
feuille comme attribuée à l’un des deux frères
et non pas comme une oeuvre sûre car son état de conservation ne permet pas de prononcer
le nom de l’artiste avec précision.
Le marchand Jan-Pietersz Zoomer, célèbre
marchand de peintures, dessins et de gravures
du début du XVIIIe siècle, possède chez lui un
grand nombre d’études des Berckheyde. Il
conserve ces oeuvres dans de grands classeurs
rangés par thèmes, avec des dessins de personnages
de Jan Both et surtout de Cornelis
Bega. C’est avec les oeuvres de ce dernier que
les dessins des Berckheyde se confondent souvent
mais Bega dessine d’une manière plus
précise dans les détails et plus vigoureuse dans
les contours.
Il existe deux études de personnages sur papier
bleu assez semblables au dessin de Grenoble :
l’une, monogrammée GB ou JB, à Leyde[3],
l’autre, à l’Amsterdam Museum[4]. Le même
monogramme que celui qui est visible sur
le dessin de Leyde apparaît sur une peinture
conservée dans une collection particulière,
comme le remarque Ben Broos[5].
La feuille de Grenoble est une étude de costume,
dont le modèle se présente assis sur
un piédestal. Rapidement esquissé, ce dessin
résulte d’une séance de pose en atelier et n’est
en aucun cas croqué sur le vif dans une taverne.
C’est très souvent le cas pour les études de
figures hollandaises, dites naer het leven[6], alors
qu’elles ne sont pas exécutées sur le motif.
L’intérêt des Berckheyde se focalise ici sur le
costume de l’homme assis, cherchant ainsi à
donner l’impression d’une scène de rue, d’un
instantané saisi dans la vie quotidienne, avec la
plus grande précision possible.
[1] Strasbourg, musée des beaux-arts, Inv. nos 217-218.
[^2 ]: Karl I Ludwig, 1617-1680.
[3] Gerrit Berckheyde (attribué à) ou Job Adriaensz Berckheyde (attribué à), Études de personnages, Leyde, Prentenkabinet der Rijksuniversiteit, Inv. PK-P-AW 21.
[4] Amsterdam Museum, Inv. A 18110.
[5] Voir Broos et Schapelhouman, 1993, p. 41, note 11.
[6] D’après nature.
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