Paysage avec un château en ruine

Né en 1595 à Londres de parents flamands,
Molyn se forme à Haarlem où sa famille s’installe
avant 1609. En 1616, à vingt et un ans,
il entre dans la guilde de cette ville mais on
ignore tout de ses premières oeuvres, bien que
Samuel Ampzing le mentionne déjà dans sa
chronique de la ville de Haarlem, publiée en 1628. Molyn a souvent déconcerté les historiens
de l’art : dès le milieu des années 1620,
il peint et dessine à la plume les paysages les
plus audacieux de l’art hollandais, composés
autour d’une puissante ligne diagonale décrivant
un chemin ou un cours d’eau. Il utilise à
cette période des tonalités sombres et rigoureusement
unifiées. Son style montre qu’il a
dû connaître l’oeuvre d’Esaias van de Velde.
Du fait de son originalité, Pieter Molyn occupe
une place de choix dans le célèbre livre sur le
paysage hollandais de Wolfgang Stechow, paru
en 1966, bien que ses compositions novatrices
ne soient conservées qu’en tout petit nombre[1].
Néanmoins, dès la fin des années 1620, Molyn
se tourne vers des compositions plus décoratives,
peut-être parce que ses inventions audacieuses
du milieu de la décennie n’ont pas
trouvé le succès commercial espéré.
La particularité du fonds de Grenoble est de
posséder deux dessins de l’artiste datés des
années 1630, alors qu’on ne connaît que très
peu d’oeuvres de sa main pour cette période.
Il en produit en effet très peu durant ces
deux décennies. Est-ce que ses importantes
activités auprès de la guilde des peintres de
Haarlem lui prennent trop de temps ? Molyn
exerce également une activité de marchand
de tableaux comme en attestent différents
documents publiés, notamment par Hessel
Miedema en 1980. Il organise des ventes
dans lesquelles il présente aussi ses propres
oeuvres, ce qui n’est pas conforme aux règles
de la guilde de Haarlem.
La feuille exposée ici est datée de 1634 (ou
faut-il lire 1637 ?) mais ne porte pas de signature.
Près d’une ruine, un berger fait paître
son troupeau. Sommes-nous dans les dunes
des environs de Haarlem ou dans un paysage
montagneux, indice que l’artiste a voyagé dans
la région frontalière avec l’Allemagne comme
le fera un peu plus tard Jacob van Ruisdael ?
Ou sommes-nous dans les Ardennes, signe
que Molyn a précédé dans cette région Allaert
van Everdingen qui y effectue un voyage dans
les années 1650 ?
Traité d’une manière très graphique, le dessin
de Grenoble, exécuté à la pierre noire, rappelle
la Vue d’un canal hollandais conservée dans
une collection privée, signée et datée de 1634[2]. Sur la feuille de Grenoble, Molyn
utilise la pierre noire d’une façon plus simplifiée,
surtout dans la partie droite du dessin
présentant un pré ensoleillé sur une colline.
Cette oeuvre illustre bien cette nouvelle attitude
de l’artiste qui se manifeste dans l’écriture
calligraphique et dans la vue frontale. La
pente de la colline remplit ici presque les trois
quarts de la feuille. Elle préfigure, d’une façon
plus graphique, les oeuvres de Molyn datant de
sa période la plus fertile, celle des années 1654
et 1655 où l’homme devient un petit élément
dans la composition (voir MG D 686).
[1] Pour les trois dessins de ce genre connus de Molyn, voir Beck, 1998, p. 14 et nos 5-7.
[2] Voir Beck, 1998, no 44, repr.
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