Paysage avec un château en ruine

Pieter MOLYN LE VIEUX
1637
Pierre noire sur papier vergé beige
12,2 x 18,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1688)

Voir sur navigart

Né en 1595 à Londres de parents flamands, Molyn se forme à Haarlem où sa famille s’installe avant 1609. En 1616, à vingt et un ans, il entre dans la guilde de cette ville mais on ignore tout de ses premières oeuvres, bien que Samuel Ampzing le mentionne déjà dans sa chronique de la ville de Haarlem, publiée en 1628. Molyn a souvent déconcerté les historiens de l’art : dès le milieu des années 1620, il peint et dessine à la plume les paysages les plus audacieux de l’art hollandais, composés autour d’une puissante ligne diagonale décrivant un chemin ou un cours d’eau. Il utilise à cette période des tonalités sombres et rigoureusement unifiées. Son style montre qu’il a dû connaître l’oeuvre d’Esaias van de Velde. Du fait de son originalité, Pieter Molyn occupe une place de choix dans le célèbre livre sur le paysage hollandais de Wolfgang Stechow, paru en 1966, bien que ses compositions novatrices ne soient conservées qu’en tout petit nombre[1]. Néanmoins, dès la fin des années 1620, Molyn se tourne vers des compositions plus décoratives, peut-être parce que ses inventions audacieuses du milieu de la décennie n’ont pas trouvé le succès commercial espéré.
La particularité du fonds de Grenoble est de posséder deux dessins de l’artiste datés des années 1630, alors qu’on ne connaît que très peu d’oeuvres de sa main pour cette période. Il en produit en effet très peu durant ces deux décennies. Est-ce que ses importantes activités auprès de la guilde des peintres de Haarlem lui prennent trop de temps ? Molyn exerce également une activité de marchand de tableaux comme en attestent différents documents publiés, notamment par Hessel Miedema en 1980. Il organise des ventes dans lesquelles il présente aussi ses propres oeuvres, ce qui n’est pas conforme aux règles de la guilde de Haarlem.
La feuille exposée ici est datée de 1634 (ou faut-il lire 1637 ?) mais ne porte pas de signature. Près d’une ruine, un berger fait paître son troupeau. Sommes-nous dans les dunes des environs de Haarlem ou dans un paysage montagneux, indice que l’artiste a voyagé dans la région frontalière avec l’Allemagne comme le fera un peu plus tard Jacob van Ruisdael ? Ou sommes-nous dans les Ardennes, signe que Molyn a précédé dans cette région Allaert van Everdingen qui y effectue un voyage dans les années 1650 ?
Traité d’une manière très graphique, le dessin de Grenoble, exécuté à la pierre noire, rappelle la Vue d’un canal hollandais conservée dans une collection privée, signée et datée de 1634[2]. Sur la feuille de Grenoble, Molyn utilise la pierre noire d’une façon plus simplifiée, surtout dans la partie droite du dessin présentant un pré ensoleillé sur une colline. Cette oeuvre illustre bien cette nouvelle attitude de l’artiste qui se manifeste dans l’écriture calligraphique et dans la vue frontale. La pente de la colline remplit ici presque les trois quarts de la feuille. Elle préfigure, d’une façon plus graphique, les oeuvres de Molyn datant de sa période la plus fertile, celle des années 1654 et 1655 où l’homme devient un petit élément dans la composition (voir MG D 686).


[1] Pour les trois dessins de ce genre connus de Molyn, voir Beck, 1998, p. 14 et nos 5-7.
[2] Voir Beck, 1998, no 44, repr.

Découvrez également...