Vue de Rome dominée par le dôme de l'église San Giovanni Battista dei Fiorentini

Bartholomeus BREENBERGH
vers 1625
14,9 x 20 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d'un pivot, n°203).

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Le musée de Grenoble possède cinq feuilles authentiques de Breenbergh, l’un des principaux artistes hollandais italianisants. C’est un des points forts de sa collection d’arts graphiques car cet ensemble couvre toute la carrière du peintre, qui est encore représenté dans les collections de peintures du musée par un tableau mythologique[1].
Selon une annotation précieuse de Léonce Mesnard apposée sur le montage du dessin, disparue aujourd’hui mais heureusement connue grâce à une photographie ancienne, le dessin provient de la vente Guichardot. Guichardot est l’une des figures les plus étranges du marché de l’art parisien durant le troisième quart du XIXe siècle et l’importance de sa galerie de dessins et de gravures est reconnue par tous les collectionneurs de son temps. Il est très tentant de penser que les trois autres dessins de Breenbergh, conservés à Grenoble (MG D 661, MG D 665 et MG D 660), proviennent aussi de cette vente. Quarante dessins de Breenbergh y étaient rassemblés dans un lot acquis sans doute par un marchand, qui a ensuite revendu cette feuille – et peut-être les autres – à Mesnard.
Tout comme Cornelis van Poelenburgh (MG D 695), Breenbergh est à Rome dès 1619. Dans un premier temps, les deux Hollandais sont très marqués par les dessins de paysages, libres et spontanés, des dernières oeuvres de Paul Bril. Breenbergh se fait très tôt un nom, probablement soutenu par Bril, et il exécute des paysages pour la noblesse romaine comme le duc de Bracciano ainsi qu’en atteste la représentation de sites lui appartenant comme le Parco dei Mostri à Bomarzo. Breenbergh semble aussi avoir joué un rôle important dans la création des Bentveughels, l’organisation des peintres néerlandais à Rome.
La Vue de Rome de Grenoble est un magnifique exemple de cette première période de Breenbergh, située au milieu des années 1620. Il s’agit ici d’une des rares vues de Rome connues de l’artiste et Roethlisberger, en 1977, la compare avec Il Trevere fuori porta S. Paolo du musée Horne à Florence[2]. Pour dessiner, Breenbergh s’est placé de l’autre côté du Tibre, près du château Saint-Ange. L’église, entourée d’un groupe très dense de maisons, est Saint-Jean-Baptiste-des-Florentins. La construction de cet édifice a été commencée dès la Renaissance par les plus grands architectes italiens de la période, comme Michel-Ange, et a été, tout comme la basilique Saint-Pierre, terminée par Carlo Maderno. La coupole, bien visible sur le dessin, est achevée en 1614 tandis que la décoration intérieure et la façade sont finalisées bien plus tard[3]. Ainsi que le remarque Marcel Roethlisberger en 1981, deux moulins à eaux flottants – on en voyait encore de cette sorte sur les fleuves italiens dans les années 1950 – sont visibles sur le Tibre, donnant sur l’actuelle Via delle Mole dei Fiorentini.
La sobriété de la mise en page du dessin de Breenbergh est très frappante. Derrière cette apparente simplicité – Breenbergh ne se perd jamais dans le détail – se cachent la grande maîtrise du jeune artiste et sa sensibilité particulière à la lumière. Les dégradés du lavis sont d’une subtilité remarquable. Ses tons, finement nuancés, indiquent que l’artiste a travaillé au petit matin d’une journée d’été s’annonçant radieuse. C’est l’atmosphère de la ville, magistralement captée, qui l’intéresse – il suffit d’observer le traitement rapide du bord du Tibre en bas à droite – et non la mise en valeur d’un monument célèbre et réputé. Cette attitude est assez caractéristique des artistes hollandais travaillant en Italie au cours du XVIIe siècle. Le catalogue des dessins de Breenbergh a été publié en 1969 par le spécialiste de l’artiste, Marcel Roethlisberger, qui a découvert la collection de dessins hollandais de Grenoble en 1977. N’ayant pu les cataloguer précédemment, il intégra exceptionnellement les quatre dessins de Breenbergh de la collection dans le catalogue des peintures de l’artiste édité en 1981.


[1] Batholomeus Breenbergh, La Toilette de Diane, huile sur bois, 37 x 48,7 cm, s. d., b. c. : « Breenberg ft 1647 », Inv. MG 1175.
[2] Musée Horne, Inv. n° 5786, voir Roethlisberger, 1969, no 70.
[3] Construite en 1733-1734 sur les plans d’Alessandro Galilei.

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