Vue de Rome dominée par le dôme de l'église San Giovanni Battista dei Fiorentini
Le musée de Grenoble possède cinq feuilles
authentiques de Breenbergh, l’un des principaux
artistes hollandais italianisants. C’est
un des points forts de sa collection d’arts graphiques
car cet ensemble couvre toute la carrière
du peintre, qui est encore représenté dans
les collections de peintures du musée par un
tableau mythologique[1].
Selon une annotation précieuse de Léonce
Mesnard apposée sur le montage du dessin, disparue
aujourd’hui mais heureusement connue
grâce à une photographie ancienne, le dessin
provient de la vente Guichardot. Guichardot
est l’une des figures les plus étranges du marché
de l’art parisien durant le troisième quart
du XIXe siècle et l’importance de sa galerie de
dessins et de gravures est reconnue par tous les
collectionneurs de son temps. Il est très tentant de penser que les
trois autres dessins de Breenbergh, conservés
à Grenoble (MG D 661, MG D 665 et MG D 660),
proviennent aussi de cette vente. Quarante dessins
de Breenbergh y étaient rassemblés dans
un lot acquis sans doute par un marchand, qui
a ensuite revendu cette feuille – et peut-être les
autres – à Mesnard.
Tout comme Cornelis van Poelenburgh
(MG D 695), Breenbergh est à Rome dès 1619.
Dans un premier temps, les deux Hollandais
sont très marqués par les dessins de paysages,
libres et spontanés, des dernières oeuvres de
Paul Bril. Breenbergh se fait très tôt un nom,
probablement soutenu par Bril, et il exécute
des paysages pour la noblesse romaine comme
le duc de Bracciano ainsi qu’en atteste la
représentation de sites lui appartenant comme
le Parco dei Mostri à Bomarzo. Breenbergh
semble aussi avoir joué un rôle important
dans la création des Bentveughels, l’organisation
des peintres néerlandais à Rome.
La Vue de Rome de Grenoble est un magnifique
exemple de cette première période de
Breenbergh, située au milieu des années 1620.
Il s’agit ici d’une des rares vues de Rome
connues de l’artiste et Roethlisberger, en 1977,
la compare avec Il Trevere fuori porta S. Paolo
du musée Horne à Florence[2]. Pour
dessiner, Breenbergh s’est placé de l’autre
côté du Tibre, près du château Saint-Ange.
L’église, entourée d’un groupe très dense de maisons, est Saint-Jean-Baptiste-des-Florentins.
La construction de cet édifice a été commencée
dès la Renaissance par les plus grands
architectes italiens de la période, comme
Michel-Ange, et a été, tout comme la basilique
Saint-Pierre, terminée par Carlo Maderno. La
coupole, bien visible sur le dessin, est achevée
en 1614 tandis que la décoration intérieure et
la façade sont finalisées bien plus tard[3]. Ainsi
que le remarque Marcel Roethlisberger en
1981, deux moulins à eaux flottants – on en
voyait encore de cette sorte sur les fleuves italiens
dans les années 1950 – sont visibles sur le
Tibre, donnant sur l’actuelle Via delle Mole dei
Fiorentini.
La sobriété de la mise en page du dessin de
Breenbergh est très frappante. Derrière cette
apparente simplicité – Breenbergh ne se perd
jamais dans le détail – se cachent la grande
maîtrise du jeune artiste et sa sensibilité particulière
à la lumière. Les dégradés du lavis
sont d’une subtilité remarquable. Ses tons,
finement nuancés, indiquent que l’artiste a
travaillé au petit matin d’une journée d’été
s’annonçant radieuse. C’est l’atmosphère de
la ville, magistralement captée, qui l’intéresse
– il suffit d’observer le traitement rapide du
bord du Tibre en bas à droite – et non la mise
en valeur d’un monument célèbre et réputé.
Cette attitude est assez caractéristique des
artistes hollandais travaillant en Italie au cours
du XVIIe siècle.
Le catalogue des dessins de Breenbergh a été
publié en 1969 par le spécialiste de l’artiste,
Marcel Roethlisberger, qui a découvert la collection
de dessins hollandais de Grenoble en 1977. N’ayant pu les cataloguer précédemment,
il intégra exceptionnellement les quatre
dessins de Breenbergh de la collection dans
le catalogue des peintures de l’artiste édité en
1981.
[1] Batholomeus Breenbergh, La Toilette de Diane, huile sur bois, 37 x 48,7 cm, s. d., b. c. : « Breenberg ft 1647 », Inv. MG 1175.
[2] Musée Horne, Inv. n° 5786, voir Roethlisberger, 1969, no 70.
[3] Construite en 1733-1734 sur les plans d’Alessandro Galilei.
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