Figures plafonnantes
Peintre d’histoire et décorateur, Joseph Blanc est un pur produit du système académique, franchissant brillamment toutes les étapes de la carrière d‘un artiste officiel sous le Second Empire et la Troisième République. Élève de Cabanel à l’École des beaux-arts, il est lauréat du prix de Rome en 1867 avant de participer, à son retour de la Villa Médicis, aux grands chantiers de décoration du Panthéon en 1874, aux côtés de Pierre Puvis de Chavannes et Jules-Elie Delaunay , puis de l’Hôtel de Ville en 1889. Ce dessin, d’une précision anatomique remarquable, étudie la figure d’un homme mort, foulé aux pieds par un cavalier romain, dans la très grande toile que le jeune artiste présente au Salon de 1873, L’Invasion, son envoi de quatrième année de la Villa Médicis[1]. Si le sujet de la toile est relativement obscur – la scène se passe dans la Grèce antique, au pied du Parthénon, et montre une colonne de soldats romains à cheval écrasant sur leur passage les cadavres des vaincus, sous l’œil éploré de leurs femmes et de leurs enfants – le traitement manque souvent de réalisme et vaut à son auteur quelques critiques acerbes. Jules-Antoine Castagnary juge ainsi cette scène dramatique : « C’est de l’horreur à froid, de l’horreur telle qu’on en fait en rhétorique, quand on n’a rien vu encore et qu’on connaît seulement les choses par les livres qu’on a lus[2]». Cette feuille, absente du catalogue raisonné établi par Pierre Sérié dans l’étude qu’il consacre à Joseph Blanc[3], rend compte des hésitations de l’artiste sur la position du modèle, en particulier pour les jambes, qu’il choisit de relever dans la version définitive. Si le dessin dénote une science des raccourcis parfaitement maîtrisée, la peinture n’échappe pas à quelques maladresses, relevées par les critiques qui voient là les défauts d’une œuvre de jeunesse : « Il y a des morceaux heurtés, contournées, même inexacts, par exemple le bras du jeune guerrier étendu en travers du chemin, qui se tord plus qu’il ne faudrait, et qui nuit par-là à la placide beauté de cette figure » remarque l’auteur de la recension du Salon dans la Revue des deux Mondes[4]. Cette réception mitigée n’empêchera nullement l’artiste, déjà médaillé les années précédentes, de voir son tableau acheté par l’État et envoyé au musée des beaux-arts de Nancy, puis au château de Sedan en 1889. Dessinateur prolixe, Joseph Blanc multiplie les études de figures dans des poses expressives, souvent torturées[5], assez proches de celle de Grenoble, ce qui le destine naturellement à illustrer une méthode d’apprentissage du dessin par Armand-Théophile Cassagne, Le Dessin pour tous, pour lequel il propose des exercices de raccourcis[6].
[1] Paul Joseph Blanc, L'Invasion, 1872, huile sur toile, Salon de 1873, Sedan, musée de Château (œuvre détruite).
[2] Jules Antoine Castagnary, Salons, avec une préface d'Eugène Spuller, t.II., 1872-1879, Paris, 1892, p. 93.
[3] Pierre Sérié, Joseph Blanc (1846-1904), peintre d’histoire et décorateur, Mémoire de recherche de l’École du Louvre, Paris, RMN, École du Louvre, 2008.
[4] Revue des Deux Mondes, 1er juin 1873, p.649.
[5] Voir Joseph Blanc, Deux soldats tombés au combat, dessin préparatoire pour _ Le Roi Clovis à la bataille de Tolbiac_, Paris, Panthéon, Vente Sotheby’s, 21 octobre 2003, lot 289.
[6] Le raccourci est la mise en perspective d'une figure.
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