Distorted Square within a Square 3

« Dans mes tableaux, j’ai essayé de faire apparaître les trois composantes d’une œuvre (forme, surface et structure interne) comme une unité. Aucune chose ne doit prendre plus de poids qu’une autre. » Ces propos de Robert Mangold évoquent l’art minimal, auquel l’artiste a couramment été rattaché : un art réduit à ses constituants élémentaires et où la forme est le contenu. Dès 1964, après des études artistiques au Cleveland Art Institute, puis à l’Université de Yale (où il côtoie Brice Marden et Richard Serra), Mangold entame une série de reliefs peints intitulée Walls, inspirée de l’architecture new-yorkaise. Celle-ci, vue de manière fragmentée, est traduite par l’artiste en shaped painting (ou peinture découpée, à l’instar du shaped canvas de Frank Stella ou d’Ellsworth Kelly), une structure qui s’oppose à la notion de peinture comme surface illusionniste et « fenêtre ouverte » sur le monde (selon la définition du théoricien de la Renaissance Leon Battista Alberti). Il n’adopte pas pour autant le tableau-objet minimaliste (à la manière des Specific Objects de Donald Judd), mais plutôt « le tableau en tant que mur, […] qui opère entre les deux, partage certaines qualités de la fenêtre et de l’objet ». Cette attention portée au support, première donnée avec laquelle le peintre commence une œuvre, le conduit à expérimenter des châssis carrés, circulaires, triangulaires, etc., qui établissent « une dynamique primordiale pour la structure linéaire et la surface peinte de l’œuvre ». La forme géométrique inscrite sur la toile est de fait en totale interdépendance avec celle du châssis. Distorted Square within a Square est un bel exemple de corrélation étroite entre le format carré du support et le carré sur la pointe tracé au crayon blanc. Un carré qui n’en est pas tout à fait un : le thème de la distorsion est abordé à partir de 1969 par Mangold, faussant l’évidence minimaliste du tableau. Dans cette démarche, la surface colorée – la troisième composante – concourt à cette ambiguïté : un monochrome simple et lumineux fait d’un ocre indéfinissable. La peinture de Mangold traite de cet insaisissable échappant à toute logique. À la fin de ses Notes d’atelier (1992), il cite Arthur C. Danto : « Comme si une œuvre d’art était la section entre deux mondes, nous occupons l’un mais ne pouvons occuper l’autre ; l’œuvre elle-même est dans le monde auquel nous appartenons, mais n’est pas issue de lui. » (Arthur C. Danto, Jean-Paul Sartre)
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