Eglise en ruine
Professeur de dessin à l’école d’application de l’État-Major de 1849 à 1878, Hubert Clerget est la fois un dessinateur et un lithographe, essentiellement connu comme illustrateur spécialisé dans les monuments et les sites patrimoniaux. Il collabore à de nombreux journaux comme Le Magasin pittoresque à la manière d’un reporter dessinateur. Le musée de Grenoble conserve ainsi, parmi les huit feuilles de sa main, un dessin préparatoire pour une planche de L’Univers illustré du 14 décembre 1872, montrant le débordement de la Saône à Mâcon[1]. Mais il a surtout prêté son crayon à l’embellissement des récits de voyages et itinéraires historiques dont le genre se développe tout au long du XIXe siècle dans le sillage des Voyages pittoresques et romantiques de l’ancienne France de Charles Nodier et du baron Taylor. On lui doit en particulier les vignettes de plusieurs ouvrages comme Vichy-Sévigné, Vichy-Napoléon en 1862 ou_ De Paris à Cologne_ en 1864[2]. Il est aussi l’auteur de plusieurs planches de l’ouvrage de L. L. Buron, Vieilles églises de France en 1891. Sa production graphique est considérable et se trouve bien représentée dans les collections de la Bibliothèque nationale (fonds Destailleur) et du musée des beaux-arts de Dijon, ville dont il est originaire. Elle se partage entre croquis préparatoires à la lithographie, souvent réalisés au trait et mis au carreau, dessins plus aboutis de monuments et aquarelles commémorant des évènements historiques ou montrant des intérieurs d’édifices. On trouve aussi quelques feuilles moins descriptives, où se lit une sensibilité plus romantique, une vision poétique de la ruine, comme dans ces deux vues d’églises appartenant au musée de Grenoble. Entrés comme les six autres feuilles à une date inconnue, ces deux dessins adoptent une technique assez similaire, jouant sur la tonalité ocre du papier. Pour faire surgir les volumes des édifices, l’artiste ne marque pas les contours mais place seulement les zones d’ombres, en traits de crayon délicats, parfois rehaussés de lavis. Quelques touches de gouache blanche figurent les nuages. Dans L’Église de Fleury, il souligne d’une tache de lumière le bas de la façade et marque à la sanguine les cheminées de tuile. Peu d’éléments de localisation permettent d’identifier ces deux églises paroissiales, malgré ce titre « Église de Fleury » pour l’une, qui ne correspond à aucune des communes recensées sous ce vocable. Le clocher adopte une forme assez proche de ceux que l’on trouve en Franche-Comté, avec son dôme à l’impériale dit à quatre pans et ses arrêtes en S, surmonté d’une flèche et d’une croix. L’autre église, réduite à l’état de ruine mangée par la végétation, ne laisse rien deviner de ses caractéristiques régionales. L’artiste abandonne ici la précision archéologique au profit de l’évocation nostalgique. Comme le souligne M. Mocquery, président de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon, dans sa séance du 8 mars 1899, « Assurément ses crayons d‘architecture n’ont pas la précision rigoureuse des dessins d‘architecte ou l’impeccabilité de la photographie ; […] ce sont des tableaux en vignettes dans lesquels il entre forcément un peu d’interprétation et de présentation »[3]. Hubert Clerget nous propose ici une vision du passé médiéval de la France en train de disparaître, de ces édifices modestes que les hommes abandonnent aux ravages du temps mais dont la silhouette familière rythme les paysages de chaque coin de campagne.
[1] Hubert Clerget, Inondation de la Saône à Mâcon, 1872, crayon graphite, lavis d’encre grise et rehauts de gouache blanche sur papier vélin ocre épais, MG 2015-0-18.
[2] Albéric Second et le Dr. Casimir Daumas, Vichy-Sévigné, Vichy-Napoléon, ses eaux, ses embellissements, ses environs, son histoire, dessins par Hubert Clerget, gravures par Dumont et Gusmand, Paris, 1862 et A. Morel, De Paris à Cologne, à Bruxelles, à Senlis, à Laon, à Dinant, à Givet, à Luxembourg, à Trèves, à Maëstricht ; Itinéraire descriptif et historique ; illustré de 90 vignettes dessinées par Hubert Clerget, Lancelot et Daubigny, Paris, 1864.
[3] Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon, Quatrième série, tome VIII, années 1899-1900, Dijon, 1904, p.XV.
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